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Assise dans le fauteuil de copilote qui lui revenait de droit depuis la mort de son précédent occupant, elle releva les yeux vers les astres froids et distants. Des listes de vérifications à effectuer s’égrenaient machinalement dans son esprit et ses mains se déplaçaient prestement sur les commandes. Mais ses pensées étaient ailleurs, quelque part au milieu de ces infinis glacés. Cherchant… Et ne trouvant rien.

Son regard retomba et elle aperçut, sur le poste de contrôle installé devant le siège du pilote, les mains de son époux. Cette vision lui apporta un semblant de réconfort. Ces mains si fortes évoquaient puissance et confiance en soi.

Son cœur bondit. Quelque chose, là au milieu de toutes ces étoiles, venait de la toucher. Jacen ! songea-t-elle.

Les mains de son mari se posèrent sur des leviers et toutes les étoiles se mirent à filer, se transformant en tramées incertaines, comme vues au travers d’une pluie battante. La caresse distante s’évanouit.

— Jacen, dit-elle.

Devant le regard effaré de son mari, devant la surprise et la douleur transparaissant dans ses yeux bruns, elle répéta :

— Jacen.

— En es-tu sûre ? demanda Han Solo. Tu es sûre que c’est Jacen ?

— Oui, il essaie de me contacter. Je l’ai senti. Cela ne pouvait être personne d’autre.

— Et il est en vie…

— Oui.

Leia Organa Solo parvenait si bien à lire dans ses pensées… Elle savait que Han croyait leur fils mort mais qu’il essayait, pour la rassurer, de prétendre le contraire. Elle savait que, rongé par le chagrin et la culpabilité d’avoir négligé sa famille, il lui apporterait dorénavant tout le soutien possible, même en étant persuadé que cela était illusoire. Et elle savait déceler l’énergie dépensée par Han pour contenir sa propre tristesse et ses doutes.

Tout cela, elle parvenait à le lire en lui, dans l’éclair de son regard, dans le tressaillement de sa joue. Elle l’analysait très bien, détectant à la fois de la bravoure et de l’incertitude. Et elle l’aimait d’autant plus.

— C’était bien Jacen, dit-elle. (Elle appuya ses propos avec autant de confiance et d’assurance que possible.) Il était en train d’essayer de me contacter par le truchement de la Force. Je l’ai senti. Il voulait me dire qu’il était vivant, auprès de personnes amies. (Elle se pencha et prit la main de Han.) Il n’y a plus de doute, à présent. Plus aucun doute.

Les doigts de Han se serrèrent sur les siens et elle devina le conflit qui se jouait en lui, son désir d’espérer usé jusqu’à la trame par l’amertume de son expérience. Son regard brun s’apaisa.

— Oui, dit-il. Bien sûr. Je te crois.

Il y avait là un soupçon de réserve. Mais il s’agissait d’un simple réflexe, les séquelles d’un passé qui lui avait appris à ne croire en rien tant qu’il ne pouvait le constater de ses yeux.

Leia se pencha vers lui et l’embrassa maladroitement depuis son fauteuil de copilote. Il passa ses bras autour d’elle. Elle sentit le frottement de sa joue contre la sienne et huma l’odeur de sa peau et de ses cheveux. Une petite bulle de bonheur naquit en elle et la poussa à reprendre la parole.

— Oui, Han, dit-elle. Notre fils est en vie. Et nous aussi. Soyons heureux. Soyons en paix. Tout va changer.

 

L’instant idyllique dura le temps que Han et Leia, main dans la main, rejoignent la soute principale du Faucon Millennium.

Leia perçut une légère tension dans les muscles de Han lorsqu’ils se trouvèrent en présence de leur passagère, parée de l’impeccable uniforme gris de Commandeur Impérial.

Leia savait que Han avait espéré que cette mission leur donnerait une chance de se retrouver un peu seuls tous les deux. Pendant les nombreux mois écoulés depuis le début de la guerre contre les Yuuzhan Vong, ils avaient été séparés ou bien absorbés par la recherche de solutions à une escalade stupéfiante de difficultés. Même si la mission en cours n’était pas moins importante que les autres, ils avaient chéri ces instants passés en tête-à-tête dans l’hyperespace. Ils avaient même décidé de ne pas embarquer avec les gardes du corps Noghri de Leia. Ils avaient refusé la présence de tout autre passager, excepté cet officier impérial. Jusqu’à présent, Han était parvenu à rester très courtois avec elle. Difficilement.

Le Commandeur se leva très poliment.

— Un passage en hyperespace exceptionnellement doux, Capitaine Solo, dit-elle. Pour un vaisseau doté de composants si hétérogènes, une telle transition en dit long sur le commandant de bord et ses talents de pilote.

— Merci, répondit Han.

— Les boucliers Myomar sont superbes, n’est-ce pas ? ajouta-t-elle. Une de nos conceptions les plus réussies.

Le problème avec le Commandeur Vana Dorja, se dit Leia, c’est qu’elle est beaucoup trop observatrice. C’était une femme d’environ trente ans, fille de capitaine de destroyer stellaire, avec des cheveux noirs au carré soigneusement tirés sous le calot réglementaire, et le visage plaisant, presque fade, du diplomate professionnel. Elle se trouvait sur Coruscant pendant l’invasion, apparemment pour négocier un vague traité commercial dans le but d’acquérir des cerveaux droïdes Ulban destinés aux fermes hydroponiques impériales. Les négociations avaient été compliquées par le fait que les cerveaux droïdes en question étaient en général utilisés à des fins militaires. Les discussions concernant l’utilisation finale des équipements n’avait guère abouti, mais peut-être avait-on sciemment prévu qu’elles n’aboutissent pas. Le séjour prolongé du Commandeur Dorja sur Coruscant avait fait d’elle un observateur de choix de l’assaut Yuuzhan Vong conduisant à la chute de la planète.

Vana Dorja avait, d’une manière ou d’une autre, réussi à fuir Coruscant – Leia pensait que sa retraite avait été soigneusement planifiée – et elle avait débarqué sur Mon Calamari, la capitale provisoire. Là, elle avait de but en blanc demandé de l’aide pour rejoindre l’espace impérial, au moment même où, curieusement, Leia s’était vu confier une mission diplomatique la conduisant vers cette destination. Bien entendu, cela n’avait rien d’une coïncidence. Dorja était une espionne agissant sous couvert commercial. Mais que pouvait bien y faire Leia ? La Nouvelle République aurait peut-être besoin de l’aide de l’Empire et l’Empire s’offusquerait peut-être du retard injustifié de l’un de ses représentants commerciaux.

Ce que Leia avait pu faire, en revanche, c’était établir des règles élémentaires sur les déplacements du Commandeur Dorja à bord du Faucon Millennium, les lieux qu’elle pouvait visiter et ceux qui lui étaient interdits. Dorja avait immédiatement accepté les restrictions et approuvé qu’on la passe aux analyseurs afin de détecter la présence éventuelle de technologie ou de tout autre secret qu’elle tenterait de passer en fraude. Les détecteurs n’avaient rien relevé. Evidemment. Si Vana Dorja était en possession d’un secret vital destiné à ses maîtres impériaux, il ne faisait aucun doute que celui-ci était bien enfoui dans le tréfonds de son cerveau très inquisiteur.

— Je vous en prie, asseyez-vous, dit Leia.

— Votre Altesse est bien aimable, répondit Dorja.

Elle installa son corps trapu sur une chaise. Leia alla s’asseoir de l’autre côté de la table, en face d’elle, et remarqua le verre à moitié vide de jus de juri qui trônait devant le Commandeur.

— C-3PO vous a-t-il servi correctement ? s’enquit Leia.

— Oui. Il est très efficace. Mais un tantinet bavard.

Bavard ? songea Leia. Qu’est-ce que C-3PO a bien pu raconter à cette femme ? Dorja était bien trop experte dans l’art de créer ces situations inconfortables.

— Souhaitez-vous dîner ? demanda Leia.

Dorja hocha la tête, aussi impavide qu’à l’habitude.

— Comme il siéra à Votre Altesse.

Mais elle s’avéra fort utile à la cambuse, assistant Han et Leia à transférer dans des plats les mets mijotés dans les fours automatiques du Faucon Millennium. Han alla s’asseoir et C-3PO contempla le plan de table.

— Messire, dit-il, une Princesse, ancienne Chef de l’Etat, a la priorité par rapport à un capitaine de vaisseau et un Commandeur Impérial. Mais un commandeur – je vous prie de m’excuser – ne peut avoir la priorité par rapport à un général de la Nouvelle République, même si celui-ci est sur une liste de réserve. Général Solo, si vous voulez bien avoir l’obligeance de vous asseoir en amont du Commandeur Dorja.

Han lança un regard noir à C-3PO.

— Je suis très bien où je suis, merci, répliqua-t-il.

Ce qui signifiait aussi loin du Commandeur Impérial que la petite table du Faucon Millennium l’autorisait.

C-3PO eut l’air aussi paniqué que son visage inexpressif de droïde pouvait le laisser transparaître.

— Mais, Monsieur, les règles de préséance…

— Je suis très bien où je suis, répéta Han plus fermement.

— Mais, monsieur…

Leia endossa son rôle habituel de traducteur instantané des sentiments de Han pour le reste de l’humanité.

— Nous dînerons de façon décontractée, C-3PO, annonça-t-elle au droïde.

— Très bien, Votre Altesse, répondit-il d’un ton qui en disait long sur sa déception.

Pauvre C-3PO, songea Leia. Il était conçu pour maîtriser les règles du protocole de banquets officiels rassemblant des douzaines d’espèces et des centaines de gouvernements politiques, assurant la traduction, calmant les esprits. Et voilà qu’elle persistait à le placer dans des situations qui entraînaient irrémédiablement des réprimandes à son égard. De plus, la galaxie était envahie par des individus avides d’exterminer tous les droïdes de la création. Et ils semblaient y parvenir. Ce qui devait servir de sang-froid à C-3PO était certainement mis à très rude épreuve.

Il y aura beaucoup de dîners décontractés lorsque tout ceci sera terminé, pensa Leia. Des fêtes tranquilles, reposantes, distrayantes, sans assassins, sans querelles, sans duels au sabre laser.

— Je tiens de nouveau à vous remercier pour votre offre de voyage retour en territoire impérial, dit Dorja quelque temps plus tard pendant le repas. Quel heureux hasard que vos affaires vous y conduisent !

— Très heureux, effectivement, acquiesça Leia.

— Cette mission dans le territoire de l’Empire doit vraiment être essentielle, insista Dorja, pour que vous acceptiez de quitter ainsi votre gouvernement à un moment aussi critique.

— J’exécute le travail pour lequel j’ai le plus de dispositions.

— Mais, pourtant, vous avez été Chef de l’Etat. Vous devez assurément envisager un retour au pouvoir, non ?

— Mon mandat est terminé, répondit Leia en secouant la tête.

— Tourner le dos, volontairement, au pouvoir… J’avoue ne pas comprendre, enchaîna Dorja d’un ton incrédule. Dans les rangs de l’Empire, on nous apprend à ne pas décliner les responsabilités lorsqu’on nous les confie.

Leia sentit que Han relevait la tête pour se préparer à parler. Elle le connaissait suffisamment pour anticiper la teneur de sa réponse. Non, allait-il déclarer. Les dirigeants impériaux occupent en général les postes de pouvoir jusqu’à ce qu’ils en soient dégommés à grands coups de canons laser. Avant que Han ne puisse parler, Leia formula une réponse beaucoup plus diplomatique.

— La sagesse est de savoir quand vous atteignez les limites de ce que vous avez à offrir, dit-elle avant de reporter son attention sur son dîner – des blancs de hibbas, délicieusement parfumés, accompagnés d’une sauce aux baies de bofa.

Dorja ramassa sa fourchette et la souleva au-dessus de son assiette.

— Certes, certes, mais avec un gouvernement en exil forcé, plongé dans le chaos, on a toujours besoin d’une main forte.

— Nous disposons de méthodes constitutionnelles pour élire un nouveau dirigeant, lui assura Leia.

On ne peut pas dire que cela fonctionne à merveille, pour l’instant, ajouta-t-elle en pensée, avec Pwœ s’étant lui-même proclamé chef d’Etat pendant que le gouvernement demeure bloqué sur Mon Calamari.

— Eh bien, je vous souhaite un prompt retour à la normale, dit le Commandeur Dorja. Espérons que l’hésitation et le chaos qui imprègnent la Nouvelle République au cours de cette crise sont la résultante des actions du gouvernement de Borsk Fey’lya, et non la démonstration symptomatique de l’état actuel de votre corps politique.

— Je porte un toast à cela ! déclara Han en vidant son verre d’un trait.

— Je ne peux m’empêcher de me demander comment l’ancien Empire aurait réagi face à une crise similaire, continua Dorja. J’ose espérer que vous pardonnerez mon attitude partisane, mais il me semble que l’Empereur aurait mobilisé toutes ses armées dès la première menace, et se serait occupé des Yuuzhan Vong de façon efficace et expéditive en employant les grands moyens. Ce serait en tout cas bien meilleur que les méthodes de Borsk Fey’lya – qu’on appelle politiques, si je ne m’abuse – visant à négocier avec l’envahisseur tout en le combattant, donnant la preuve de sa faiblesse à un ennemi impitoyable qui, en retour, ne se sert de la négociation que pour accroître le territoire de ses conquêtes.

Leia se dit alors qu’il devenait de plus en plus difficile de conserver un sourire diplomatique.

— L’Empereur, ajouta Dorja, savait discerner tout danger menaçant son pouvoir.

Leia sentit que Han allait s’exprimer mais, cette fois, il était trop tard pour contenir ses mots.

— Ce n’est pas du tout ce que l’Empire aurait fait, Commandeur, dit Han. Ce que l’Empire aurait fait, je vais vous le dire. Ils auraient construit une machine de combat colossale pour tuer les Yuuzhan Vong. Ils l’auraient appelée Nova Colossus, Destructeur de Galaxie, Narines de Palpatine ou je ne sais quoi d’autre d’aussi grandiose. Ils auraient gaspillé des milliards de crédits, employé des milliers d’entreprises et d’ouvriers, équipé le système de tous les perfectionnements en matière de massacre automatisé. Et vous savez ce qui se serait passé ? Hein ? La chose n’aurait pas marché ! Ils auraient oublié de boulonner une plaque de métal au-dessus d’un puits d’aération conduisant à l’un des réacteurs principaux, ou une autre bourde de ce genre, et un pilote ennemi, une tête brûlée, serait parvenu à y larguer une bombe pour faire sauter tout le système. Voilà. C’est que l’Empire aurait fait.

Leia, luttant pour contenir son hilarité, détecta ce qu’on pouvait interpréter comme une vague lueur d’amusement dans le regard brun de Vana Dorja.

— Vous avez peut-être raison, concéda cette dernière.

— Un peu, que j’ai raison, Commandeur, dit Han en se resservant un grand verre d’eau.

Son bref triomphe fut interrompu par le crissement soudain des unités d’hyperpropulsion du Faucon Millennium. Le vaisseau trembla. Les alarmes de proximité retentirent.

Leia, sentant son cœur battre en rythme avec les hurlements des signaux de détresse, regarda droit dans les yeux bruns et stupéfaits de Han. Celui-ci se tourna vers le Commandeur Dorja.

— Désolé de couper court à ce dîner juste au moment où la conversation devenait intéressante, tonna-t-il. Mais j’ai bien peur qu’il nous faille réduire une poignée d’énergumènes en poussière galactique.

 

La première chose que fit Han Solo en se précipitant à son poste de pilotage fut de couper l’alarme qui, lui semblait-il, faisait tournoyer son cerveau à l’intérieur de sa boîte crânienne. Puis il regarda par la verrière du cockpit. Les étoiles, constata-t-il, étaient revenues à leur configuration initiale. Le Faucon Millennium avait été brutalement éjecté de l’hyperespace. Han avait une petite idée sur la cause de cela, une idée prestement confirmée par un rapide coup d’œil aux moniteurs des senseurs. Il se tourna vers Leia, qui était en train de se glisser dans le fauteuil de copilote.

— Soit un trou noir s’est soudainement matérialisé dans ce secteur, soit nous avons heurté une mine Yuuzhan Vong.

Un basal dovin, pour être plus précis. Un générateur organique d’anomalies gravifiques que les Yuuzhan Vong utilisaient à la fois pour la propulsion de leurs vaisseaux et la distorsion de l’espace tout autour d’eux. Les Yuuzhan Vong avaient largué des mines de basals dovins le long des routes commerciales de la Nouvelle République afin de dévier les convois de leur trajectoire hyperspatiale et de les faire tomber dans des embuscades. Mais leurs efforts de sabotage ne s’étendaient guère au-delà de la Route Hydienne. Jusqu’à présent, en tout cas.

Han remarqua sur l’un de ses écrans la présence de l’ennemi : deux détachements de six coraux skippers, postés de part et d’autre du basal dovin, attendant de piéger tout appareil de transport passant dans ce secteur. Il posa les mains sur les commandes, puis hésita, se demandant s’il ne devait pas plutôt laisser les commandes à Leia pendant qu’il irait manœuvrer les tourelles de turbolaser. Mais il connaissait le Faucon Millennium mieux que personne – ses capacités, ses limites. Seule son adresse au pilotage leur permettrait de se tirer de ce mauvais pas, pas son adresse au tir.

— Je reste aux commandes, dit-il à Leia. Va t’installer dans l’une des tourelles de quadrilaser.

Tout en parlant, il regretta de ne pouvoir s’occuper lui-même de désintégrer leurs adversaires. C’était une activité qui permettait bien souvent de se défouler et d’oublier ses problèmes.

Leia se pencha et lui donna un rapide baiser sur la joue.

— Bonne chance, l’acrobate, chuchota-t-elle.

Puis elle posa la main sur son épaule avant de quitter silencieusement le cockpit.

— Bonne chance à toi aussi, répondit Han. Et essaie donc de voir si notre invitée ne pourrait pas se charger de l’autre tourelle de tir !

Ses yeux se posèrent sur les moniteurs de détection. Il passa le petit casque de communication qui lui permettrait de rester en liaison permanente avec Leia. Les coraux skippers étaient incapables de se mouvoir dans l’hyperespace : un vaisseau plus conséquent avait dû les larguer ici. Etait-il toujours dans les parages ? Ou avait-il quitté le secteur pour aller déposer des mines dans un autre quadrant ?

Apparemment, il était bien parti. Aucun signal supplémentaire n’apparaissait sur les écrans.

Les appareils Yuuzhan Vong commencèrent à réagir à leur présence. L’espoir de ne pas se faire repérer, grâce aux capacités furtives du Faucon Millennium, disparaissait. Mais qu’est-ce que l’ennemi pouvait bien observer à l’heure actuelle ? Un cargo YT-1300 de la Corporation d’ingénierie Corellienne, semblable à des centaines d’autres croisant dans ce secteur. Les Yuuzhan Vong n’avaient certainement pas détecté l’armement spécial du Faucon Millennium, ses boucliers perfectionnés ou bien les modifications de ses moteurs subluminiques, capables de damer le pion à n’importe quel corail skipper. Donc, le Faucon Millennium ne devait pas changer de cap. Pour les Yuuzhan Vong, il s’agissait d’un innocent cargo.

Tout en observant les déplacements des skips, Han adressa à ses ennemis toute une série de messages, comportant les questions et les interrogations usuelles qu’un pilote civil, fort nerveux, serait susceptible d’émettre dans une situation pareille. Il enchaîna quelques manœuvres destinées à tenir les coraux skippers à distance – des manœuvres aussi maladroites qu’hésitantes, typiques d’un bon gros vaisseau de transport ralenti par son pesant chargement. Le détachement de coraux skippers le plus proche se lança sur une trajectoire assez élémentaire d’interception, sans même prendre la précaution de voler en formation militaire. Le plus éloigné, de l’autre côté de la mine de basal dovin, entama une large boucle vers le Faucon Millennium afin de soutenir le premier escadron.

Voilà qui devenait intéressant. D’ici peu, l’anomalie gravifique du basal dovin se trouverait entre les coraux skippers et le cargo. Les capacités de distorsion de la mine les empêcheraient alors de distinguer correctement le Faucon Millennium et ses éventuels changements de trajectoire.

— Capitaine Solo ? dit dans le comlink une voix qui interrompit les pensées de Han. Ici le Commandeur Dorja. Les canons de la tourelle dorsale sont prêts.

— Essayez de ne pas tirer sur l’antenne parabolique des capteurs, lui répondit Han.

Il jeta un coup d’œil à ses moniteurs et vit que l’escadron le plus distant allait bientôt disparaître derrière la distorsion de la mine gravifique. Ses mains se serrèrent sur les commandes de vol. Il modifia son cap et fonça droit sur le basal dovin en enclenchant la puissance maximale de ses unités subluminiques.

La mine se trouvait entre le Faucon Millennium et les coraux skippers. La distorsion spatiale entourant le basal dovin masquerait le changement de direction du cargo.

— Nous disposons de trois minutes standard pour engager le combat avec l’ennemi, dit-il dans son casque de communication. Ouvrez le feu, droit devant, à mon signal.

— Droit devant ? répéta la voix terne de Dorja. C’est peu orthodoxe… Avez-vous songé, au moins, à manœuvrer ?

— Ne pensez pas à la place du pilote ! claqua tel un fouet la voix de Leia. Conservez ce canal libre pour le cas où vous auriez quelque chose de valable à communiquer !

— Toutes mes excuses, murmura Dorja.

Han se mordit la lèvre en signe de frustration. Il regarda le fauteuil vide du copilote. Le fauteuil de Chewbacca, désormais occupé par Leia. Et il se mit à songer qu’il aurait aimé se trouver aux commandes de la seconde tourelle de tir pendant que Chewie se chargeait du pilotage. Mais Chewie n’était plus. Il avait été le premier mort d’une série qui l’avait touché au cœur. Chewbacca décédé, son fils cadet Anakin assassiné, son fils aîné – Jacen – porté disparu, considéré comme mort par tous, sauf par Leia… La mort semblait le suivre pas à pas, comme pour réclamer la vie de tous ceux qui l’entouraient. C’était pour cela qu’il n’avait pas accepté l’offre de Waroo d’assumer à son compte la Dette de Vie de Chewbacca. Han ne souhaitait pas être le responsable de la mort d’un autre ami.

Mais Leia pensait que Jacen était toujours vivant. Il ne s’agissait pas d’un vague espoir né du désir d’une mère de revoir son fils, comme Han l’avait initialement pensé, mais d’un message envoyé par le truchement de la Force, un message destiné à Leia elle-même. Han n’avait aucune expérience directe de la Force, mais il savait qu’il pouvait faire confiance à Leia pour en analyser les flux et reflux. Son fils était vivant.

Alors, finalement, peut-être que la mort ne le talonnait pas d’aussi près que ça. Ou peut-être Han était-il parvenu à la distancer suffisamment.

Reste sur tes gardes, se dit-il. Reste fort. Tu n’es pas sûr de devoir mourir aujourd’hui. Une détermination froide l’envahit. Tu n’as qu’à faire payer les Yuuzhan Vong.

Il passa une dernière fois les détecteurs en revue. Le détachement le plus proche avait pivoté pour les poursuivre, se divisant en deux formations en V de trois coraux skippers chacune. Ils n’avaient pas réagi très rapidement au brusque changement de cap du cargo. Han déduisit donc qu’il ne se trouvait pas en présence d’un tacticien ennemi génial, ce qui était plutôt bien. Il était impossible de discerner le détachement le plus distant de l’autre côté de la distorsion de la mine gravifique, mais Han avait bien analysé leur trajectoire initiale et leur cap ne devait pas avoir changé.

Le basal dovin approchait. Les structures du Faucon Millennium se mirent à grincer en sentant les premiers effets de la gravité.

— Dix secondes, annonça Han à Leia et à Dorja tout en tendant la main vers la manette de lancement des missiles à fragmentation.

Dans l’attente du déclenchement durant le compte à rebours, sa langue fut comme frappée d’une décharge métallique. Il sentit la sueur poindre à la surface de son cuir chevelu.

 – Cinq.

Il envoya la première paire de missiles à fragmentation, sachant très bien que, à l’inverse des canons laser, ceux-ci ne frapperaient pas leur cible à la vitesse de la lumière.

 – Deux.

Han lança une autre paire de missiles. Les moteurs du Faucon Millennium hurlèrent pour résister à l’attraction du basal dovin.

 – Feu !

Ils dépassèrent la mine gravifique et, soudain, les témoins lumineux des six coraux skippers en approche se matérialisèrent sur l’écran. Les huit traits de la puissance combinée des turbolasers fusèrent vers eux.

Ces six appareils s’étaient, eux aussi, séparés en deux formations de trois skips, volant en V selon des axes légèrement divergents. Cependant, les deux détachements allaient droit sur le Faucon Millennium et ses batteries d’armement, à une rapidité approchant les quatre-vingt-dix pour cent de la vitesse-lumière. Aucun appareil ennemi n’avait enclenché ses basals dovins pour créer des perturbations gravifiques de déflexion. Les pilotes ne disposèrent que de quelques fractions de seconde pour se rendre compte de la menace fonçant sur eux et ils n’eurent pas le temps de réagir. La première formation se heurta à la première paire de missiles et au feu des turbolasers. Les trois appareils explosèrent et leurs coques coralliennes volèrent en éclats. La seconde formation, sur un axe divergent, n’était pas aussi idéalement positionnée. Un corail skipper fut frappé par un missile et s’en alla tourbillonner dans les ténèbres en éjectant un torrent de flammes. Un autre alla au-devant d’une décharge de turbolasers et explosa. Le troisième continua sur sa lancée, exécutant une boucle autour de l’anomalie gravifique de la mine, disparaissant alors des écrans détecteurs de Han.

Celui-ci sentit pourtant son cœur exulter. Quatre ennemis abattus. Probablement un cinquième. Pas un mauvais début.

Le Faucon Millennium frissonna de nouveau sous l’action gravifique du basal dovin. Han fronça les sourcils et vérifia la jauge des moteurs subluminiques. Il avait espéré contourner la mine cosmique avec suffisamment de rapidité pour échapper à son attraction et plonger dans l’hyperespace avant d’être rattrapé par le second détachement de coraux skippers. Mais la distorsion était plus puissante qu’il ne le croyait. A moins que le commandant Yuuzhan Vong n’ait ordonné au basal dovin d’augmenter la puissance de son pouvoir gravitationnel. Il y avait encore pas mal de choses à propos du fonctionnement de l’équipement des Yuuzhan Vong que la Nouvelle République ignorait. Quoi qu’il en soit, le Faucon Millennium n’avait pas acquis assez de vitesse pour se tirer prestement de ce piège. Ce qui signifiait qu’il fallait rapidement penser pour la suite à quelque chose de brillant.

L’autre détachement de coraux skippers était à présent à leurs trousses le long de la distorsion gravifique de la mine avec, apparemment, la ferme intention de ne pas lâcher prise. Le seul survivant du premier escadron était, quant à lui, en train d’exécuter une manœuvre pour contourner le basal dovin. Pour l’heure, il était préférable de le considérer comme quantité négligeable.

Bon, songea Han, puisque ça a marché une première fois…

— Accrochez-vous, les filles, aboya-t-il dans son comlink. On va refaire un passage !

Un plaisir sauvage l’envahit quand il poussa le Faucon Millennium dans un demi-tour, le forçant à plonger de nouveau vers le basal dovin. Alors comme ça, se dit Han, vous voulez attaquer MA galaxie, hein ?

Les ennemis s’étaient certainement rendu compte du début de la manœuvre. Han modifia donc légèrement sa trajectoire afin de placer la mine entre le cargo et les chasseurs en approche. Puis il changea à nouveau de cap, pour assurer son attaque. Si le commandant ennemi avait un soupçon de bon sens, il ferait de même.

Les deux forces en présence étaient maintenant invisibles l’une pour l’autre. Mais les Yuuzhan Vong connaissaient à présent la tactique. Ils ne se contenteraient pas de foncer aveuglément sur le Faucon Millennium. Ils se serviraient d’abord des unités de propulsion de leurs basals dovins pour dévier les attaques, puis ils se mettraient à tirer.

— Tenez-vous prêtes, dit Han. Nous n’aurons pas autant de chance, cette fois, et je ne peux pas vous dire avec exactitude où vont se trouver nos cibles. Attendez-vous à ce qu’elles surgissent de n’importe où, d’accord ?

— D’accord, répondit Leia.

— Bien compris, annonça Dorja.

— Commandeur Dorja, dit Leia, vous remarquerez que vos quatre lasers sont réglés pour tirer selon des axes légèrement divergents.

— Effectivement.

— Ne modifiez pas ce réglage.

— Je m’en étais doutée. Je n’y toucherai pas.

Une décharge douloureuse vrilla le cœur de Han. C’était Anakin, son fils, qui avait découvert que si on tirait trois rayons vers un vaisseau Yuuzhan Vong selon des axes divergents, l’un d’entre eux pouvait être attiré par la distorsion des boucliers gravifiques et toucher sa cible. En l’absence des yeux et des réflexes hors norme d’Anakin, les quadrilasers avaient été modifiés pour exécuter cette procédure de façon automatique.

Anakin. Qui avait trouvé la mort sur Myrkr.

— Vingt secondes, annonça Han à tue-tête pour lutter contre son appréhension et la tristesse qui le rongeait.

Il envoya une nouvelle paire de missiles au bout de dix secondes, au cas où l’ennemi se trouve tout de même droit devant. Et puis il compta de nouveau sur sa chance légendaire et tira, après cinq secondes supplémentaires, deux missiles de plus.

Ce n’est pas vous qui m’empêcherez de revoir Jacen, lança-t-il en pensée à ses adversaires.

Brusquement, il vit que le plasma des canons ennemis, chargé de roches en fusion, était en train de s’abattre sur les déflecteurs du Faucon Millennium. Il y eut un éclair aveuglant lorsque la première paire de missiles rencontra une cible. Han sentit son cœur battre dans sa poitrine lorsque les débris de corail rebondirent sur les boucliers du cargo en une myriade d’étincelles multicolores. Un témoin lumineux scintilla sur le moniteur de la console. Un autre corail skipper vira en trombe, à une vitesse proche de celle de la lumière, trop rapide pour que Han puisse le suivre des yeux. Si le premier corail skipper n’avait pas explosé, le Faucon Millennium l’aurait certainement heurté de plein fouet et le cargo aurait été désintégré en même temps que l’ennemi.

Han essaya de calmer ses nerfs éprouvés, conservant les yeux sur ses écrans de contrôle, à la recherche de vaisseaux ennemis en périphérie du basal dovin. En un instant, il comprit la tactique de ses assaillants. Les deux formations en V de trois appareils s’étaient séparées en trois détachements de deux engins et contournaient la mine spatiale, sur des trajectoires différentes, dans l’espoir apparent que l’un d’entre eux serait en mesure de tirer sur le Faucon Millennium. Cela n’avait pas fonctionné, mais, par le plus grand des hasards, l’un des skips avait failli éperonner accidentellement le cargo corellien et le détruire. Han songea qu’il fallait toujours se méfier du hasard…

La console de communication se mit à geindre de façon rythmée. Han l’éteignit. Sur son moniteur, il lut que le Faucon Millennium venait de perdre son antenne de réception hyperspatiale. Peu importait : il n’avait de toute façon pas l’intention de joindre un correspondant éloigné avant un moment.

Ragaillardi par la pensée qu’il pourrait remporter la bataille en un temps record pour peu qu’il réussisse à désintégrer un corail skipper à chaque nouveau passage, il se prépara à faire pivoter son vaisseau afin de foncer à nouveau vers le basal dovin. C’est alors que ses détecteurs lui indiquèrent la présence d’un chasseur ennemi isolé. Le seul survivant du premier détachement qu’il avait balayé de ses salves initiales. L’engin fusait vers lui, ses canons à plasma vomissant un jet continu de projectiles en fusion. Il se trouvait sur une position qui empêchait le Faucon Millennium de s’engager sur la trajectoire idéale pour passer le long de la mine spatiale. Han se retint de lancer une bordée d’injures et avertit ses deux artilleurs.

— Corail skipper ennemi sur bâbord, mesdames.

Il manœuvra le cargo afin de placer sa cible à la croisée même des lignes de mire des deux tourelles de canon. Il entendit alors le mugissement des lasers. Des traits lumineux entourèrent l’appareil ennemi, s’incurvant de façon aléatoire contre la distorsion gravifique du basal dovin en position de protection. Le feu de l’adversaire s’abattit sur les écrans déflecteurs du Faucon Millennium. Des flammes jaillirent alors de la coque du corail skipper. L’un des rayons laser venait de faire mouche. Le vaisseau sembla hésiter quelques instants sur sa trajectoire. Un deuxième tir de laser transforma le corail skipper en un nuage d’éclats enflammés qui brilla intensément et brièvement, pareil à un feu d’artifice, avant de se volatiliser dans l’espace.

— Joli tir, Commandeur !

C’était la voix de Leia, complimentant Dorja. Han constata avec grand plaisir que Vana Dorja savait réellement s’y prendre avec les quadrilasers.

Six ennemis abattus. Un endommagé. Encore cinq en lice.

Han manœuvra le Faucon Millennium pour passer à nouveau le long du basal dovin, mais il comprit que le dernier corail skipper avait ralenti la manœuvre au point que, cette fois-ci, l’ennemi serait peut-être le premier à attaquer. Un coup d’œil aux moniteurs lui permit de voir la position des cinq coraux skippers intacts, deux unités de deux appareils et le survivant de la troisième paire. Ils avaient fait demi-tour et suivaient des caps largement divergents. Ils passeraient à proximité de la mine spatiale à des instants différents, selon des angles d’approche variés. Ce qui signifiait que, quoi que tente Han, il serait impossible de placer la distorsion gravifique entre le cargo et tous ses assaillants. Ceux se trouvant en contact direct avec lui pourraient donc communiquer sa position aux autres. Il avait donc perdu l’avantage. Quelqu’un, de l’autre côté, avait dû revoir leur tactique. Mais le fait que les appareils ennemis s’étaient séparés signifiait qu’il n’aurait jamais plus de deux engins à affronter à la fois. Il pouvait en tirer parti.

Han fit le tour de la mine spatiale, laissant la force d’attraction s’exercer sur le cargo.

— Han ? Où en sommes-nous ? demanda Leia.

— Il me reste plus d’un tour dans mon sac, répondit-il.

Certes. Mais quel tour utiliser ? Telle était la question.

Son esprit travaillait à résoudre cette énigme quand il fit plonger son vaisseau vers la distorsion gravifique. Il semblait évident que la première paire de chasseurs ennemis atteindrait le basal dovin avant lui. Le chasseur isolé gagnerait cette position en même temps que le Faucon Millennium, et les deux derniers appareils arriveraient dans la foulée. La seule façon de réitérer le succès de la première attaque de front était de s’en prendre au troisième groupe Yuuzhan Vong. Ce qui signifiait qu’il fallait foncer tête baissée pour échapper aux trois autres coraux skippers. Si Han s’attaquait à la première paire, les deux autres groupes auraient le temps de contourner la mine et de se lancer à ses trousses très rapidement.

Les Yuuzhan Vong étaient préparés à toute éventualité. A moins que, bien entendu, Han n’exécute une manœuvre à laquelle personne ne s’attendait. Et si, cette fois-ci, il ne plongeait pas vers le basal dovin, comme l’ennemi pouvait le présumer…

Han coupa l’alimentation des moteurs subluminiques et enclencha les fusées de freinage. Le Faucon Millennium fit une embardée comme s’il venait de heurter une surface boueuse.

— Les coraux skippers vont nous passer devant de bâbord vers tribord ! annonça Han.

Une volée de projectiles de canons à plasma précéda la paire de chasseurs de tête, apparaissant soudain depuis l’angle mort de la distorsion du basal dovin. Les fusées incandescentes brillèrent en suivant d’étranges paraboles le long du champ gravifique de la mine. Elles passèrent à une confortable distance de la proue du Faucon Millennium. Elles furent suivies, quelques instants plus tard, par les chasseurs eux-mêmes, se déplaçant trop rapidement pour pouvoir altérer leur trajectoire une fois qu’ils auraient repéré la position du cargo. Le feu des lasers éclata tout autour d’eux, mais Han ne perdit pas de temps à essayer de voir si l’un des rayons avait touché sa cible. Il était déjà en train de régler les moteurs subluminiques à la puissance maximale, tout en laissant le puits gravifique de la mine attirer le Faucon.

Il faillit rater son chronométrage : la décharge de plasma décochée par le chasseur isolé, qui venait de surgir de derrière la distorsion, manqua de désintégrer la poupe du cargo. Le corail skipper passa en trombe devant le Faucon. Han s’arc-bouta sur les commandes et changea de cap, non pas pour plonger vers le basal dovin, mais pour s’en éloigner.

Il comptait à présent sur le fait que ses ennemis devaient être en train de communiquer entre eux. Mais il pouvait aussi compter sur l’inévitable retard entre leur perception de la position du Faucon Millennium, la transmission visant à renseigner ceux se trouvant de l’autre côté de la distorsion et les aptitudes des chasseurs à réagir en conséquence. Il avait plongé vers la mine spatiale à l’approche de la première paire de chasseurs, puis avait freiné brusquement. Les engins ennemis étaient donc passés devant lui. Ensuite, le chasseur isolé avait dû être averti du ralentissement du cargo et avait modifié son cap pour l’intercepter. Han avait donc accéléré et le corail skipper était passé loin derrière la poupe.

Il restait donc deux chasseurs, à qui on avait annoncé que le Faucon Millennium avait d’abord ralenti, puis accéléré. Si ces deux appareils apparaissaient là où Han prévoyait qu’ils se matérialiseraient, ils étaient à sa merci.

— Chasseurs prévus bâbord par tribord avant. Préparez un feu croisé d’interception droit devant, ordonna Han, manœuvrant de nouveau le Faucon Millennium vers la distorsion gravifique.

Il était plus simple de diriger l’appareil vers les ennemis que de tenter de décrire aux deux artilleurs la position où leurs adversaires apparaîtraient.

Son cœur fit un bond dans sa poitrine lorsque les deux coraux skippers surgirent exactement à l’endroit où il l’avait prévu, entre le Faucon Millennium et le basal dovin. Les deux chasseurs volaient l’aile dans l’aile, précédés d’une volée de missiles en fusion s’incurvant vers la zone d’hypergravité de la mine cosmique. Les lasers déversèrent un feu nourri en travers de leur passage et frappèrent les deux appareils de côté. L’un d’entre eux prit feu et explosa. L’autre s’écarta et disparut dans la nuit spatiale, traînant derrière lui une longue langue de flammes.

Sept abattus, deux endommagés ! Joli score. Et la journée ne faisait que commencer… La décharge d’adrénaline poussa Han à sourire. Il plongea de nouveau vers le basal dovin, non pas parce qu’il savait ce qu’il ferait ensuite, mais simplement parce qu’il voulait se cacher. Les trois derniers coraux skippers étaient en train de faire demi-tour pour le prendre en chasse. Cette fois-ci, Han ne se servit pas de l’attraction de la mine pour se catapulter le long d’une nouvelle trajectoire, mais il programma ses commandes pour suivre une orbite ample. Les structures du Faucon Millennium gémirent sous l’effet de l’attraction gravifique. Le cargo se mit à voler légèrement de biais en bordure du champ d’action du basal dovin.

Devant lui, dans un axe de vision de l’espace déformé par la distorsion, Han aperçut ce qui pouvait bien être un chasseur ennemi.

— Ouvrez le feu droit devant ! lança-t-il à nouveau.

Il vit les rayons laser jaillir du cargo et s’incurver vers le basal dovin, pareils à des arcs-en-ciel infernaux.

— Continuez de tirer ! pressa-t-il en relevant très légèrement le nez du Faucon Millennium.

Les décharges de laser décrivirent une courbe, remontèrent vers la proue du chasseur et le réduisirent en poussière. Un cri de joie sauvage retentit, émanant des tourelles. Même le Commandeur Dorja, d’ordinaire plus réservée, poussa un hurlement de victoire.

— Concentrez le feu sur l’arrière ! cria Han en enclenchant la propulsion subluminique.

Puisque la distorsion gravifique affectait ses repères, il n’avait aucune idée de la position des autres ennemis. Il craignit qu’ils ne se trouvent juste derrière lui, prêts à le désintégrer par la poupe comme il venait de le faire avec le chasseur isolé. Il poussa un soupir de soulagement en constatant sur ses scanners que ce n’était pas le cas. Les coraux skippers s’étaient dégagés de l’attraction du basal dovin sur des trajectoires différentes, qui les plaçaient hors de portée de tir. Han maintint son cap pour vérifier que ses assaillants avaient eu leur compte. Mais non, ils venaient de faire demi-tour et revenaient à la charge, prêts à recevoir une nouvelle volée. Deux autres appareils étaient également en train de foncer sur eux, selon des trajectoires indépendantes. C’étaient les deux coraux skippers qui avaient été endommagés.

Han fit pivoter le Faucon Millennium, mettant le cap sur l’un des deux chasseurs, supposant qu’il pourrait facilement détruire l’un des vaisseaux endommagés, puis s’en prendre aux appareils en parfait état de marche.

Soudain, les alarmes de proximité retentirent. Les capteurs s’allumèrent sur les moniteurs, indiquant que vingt-quatre chasseurs venaient de surgir de l’hyperespace juste derrière le cargo.

Han sentit la rage affluer en lui.

— On a de la visite ! hurla-t-il tout en abattant son poing sur la console de commande. J’avoue que là, c’est vraiment déloyal !

C’est alors qu’il reconnut la configuration des nouveaux venus. Il brancha immédiatement la console de communication.

« Cargo non identifié ! tonna une voix sur le canal de la Nouvelle République, modifiez votre cap de quarante degrés sur bâbord. »

Han obéit et un détachement de quatre engins passa en trombe devant son cockpit. Ses muscles se raidirent en reconnaissant les silhouettes fort acérées des chasseurs Chiss de type Griffe – avec cockpits sphériques et moteurs de TIE conçus par Sienar, adaptés aux pylônes d’armement tournés vers la proue typiques des Chiss –, résultat d’une fructueuse collaboration entre l’Empire et cette race d’extraterrestres, à l’époque du commandement du Grand Amiral Thrawn.

Jadis, songea Han, avoir des chasseurs TIE aux trousses aurait été particulièrement désagréable.

— Commandeur Dorja ? dit Han. Vos amis sont arrivés.

Deux autres détachements de chasseurs Griffe filèrent à leur tour devant lui, bientôt suivis par trois sections de chasseurs Ailes-E de la Nouvelle République. Juste devant le Faucon Millennium, ils rompirent la formation et s’éparpillèrent. Un détachement de quatre engins se lança aux trousses des derniers coraux skippers, les autres se tinrent en réserve.

Han appuya sur le bouton de transmission.

— Merci, les gars, dit-il. Mais je me débrouillais très bien tout seul.

— Cargo non identifié, veuillez dégager le passage ! annonça la voix – que Han crût reconnaître – sur un ton un peu pompeux. Nous prenons le contrôle de la situation.

— Comme vous voulez, répondit Han.

Il observa les quatre chasseurs courser les coraux skippers un par un. Les engins ennemis ne pouvaient pas se réfugier dans l’hyperespace ; tout occupés qu’ils étaient à poursuivre le Faucon Millennium, à une vitesse proche de celle de la lumière, ils ne pouvaient pas, non plus, modifier leur cap à temps pour échapper aux chasseurs.

Les nouveaux venus ne prirent aucun risque. De façon très professionnelle, ils traquèrent les coraux skippers, les réduisirent en poussière et ne subirent, en retour, aucun dégât. Puis l’escadron allié se concentra sur la mine de basal dovin et la détruisit grâce à un barrage calculé de torpilles et de rayons laser.

— Joli travail, les gars, les félicita Han.

— Monsieur, veuillez ne pas occuper ce canal de communication, dit le commandeur des chasseurs, à moins que vous n’ayez quelque chose d’urgent à annoncer.

Han sourit.

— Non, rien de très urgent, Colonel Fel, dit-il. J’aimerais juste vous inviter à bord du Faucon Millennium afin de rencontrer le Capitaine Solo, la Princesse Leia Organa Solo, de la Nouvelle République, et le Commandeur Vana Dorja, de la Marine Impériale.

Il y eut une longue période de silence sur le canal.

— Bien sûr, Capitaine Solo, dit Jagged Fel. J’en serai très honoré.

— Eh bien, venez donc, dit Han. Nous allons déployer le bras d’accostage.

Sur le canal interne, il appela C-3PO pour lui annoncer qu’ils allaient recevoir du monde à dîner.

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